Depuis les années 1990, l’Education Nationale s’intéresse aux compétences psycho-sociales (CPS), un ensemble de savoir-faire et de savoir-être qui incluent la gestion des émotions, la communication, la résolution de problèmes et le développement de l’empathie.
D’abord considérées par le prisme de la santé, elles ont progressivement été reconnues importantes pour le bien-être des élèves puis essentielles dans la lutte contre le harcèlement, avant d’être enfin considérées comme des objets d’enseignement à part entière.
Au début des années 1990, l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) a défini les compétences psycho-sociales, soulignant leur importance pour la promotion de la santé et la prévention des comportements à risque. Cette définition a influencé de nombreux systèmes éducatifs, dont celui de la France. Cependant, ce n’est qu’au début des années 2000 que l’idée de développer ces compétences commence à faire son chemin dans l’éducation à la santé. À cette époque, elles ne sont pas encore explicitement nommées ni intégrées de manière systématique dans les programmes scolaires.
Il faudra attendre les années 2010 pour que la question du bien-être à l’école devienne une préoccupation centrale. Cette prise de conscience se traduit par une inclusion plus explicite des compétences psycho-sociales dans les textes officiels.
Textes officiels et cadre légal
L’évolution vers la reconnaissance officielle des compétences psycho-sociales est marquée par plusieurs textes clés. En 2013, la loi de refondation de l’école de la République met en avant l’importance du bien-être de l’enfant, ouvrant ainsi la voie à une prise en compte plus large de ces compétences.
Les programmes scolaires de 2015 intègrent l’enseignement moral et civique (EMC), où des notions telles que le développement de l’empathie, le respect des autres et la gestion des conflits commencent à occuper une place centrale, même si elles ne sont pas encore explicitement désignées comme des compétences psycho-sociales.
La circulaire de rentrée 2019 marque un tournant en reconnaissant l’importance du bien-être des élèves et en soulignant le rôle des compétences psycho-sociales dans la prévention des violences scolaires et l’amélioration du climat scolaire. La même année, une circulaire sur l’éducation à la santé précise que le développement de ces compétences est essentiel pour encourager l’autonomie, l’estime de soi, et la gestion du stress chez les élèves.
Enfin, l’instruction interministérielle du 19 août 2022 coordonne les efforts de huit ministères pour établir une stratégie multisectorielle visant à développer les compétences psycho-sociales chez les enfants et les jeunes sur une période de 15 ans. L’objectif est que d’ici 2037, tous les enfants grandissent dans un environnement favorable au développement de ces compétences, ce qui nécessite également que les adultes qui les entourent soient formés à cet effet.
Les CPS au cœur de la lutte contre le harcèlement scolaire
La loi du 2 mars 2022 a marqué un tournant en introduisant un délit de harcèlement scolaire, soulignant la gravité du problème et l’engagement des autorités à y répondre fermement.
Parallèlement à cette législation, un programme de prévention et de lutte contre le harcèlement, baptisé pHARe, a été mis en place dans les établissements scolaires, du primaire jusqu’au lycée. Expérimenté en 2021, ce programme a été généralisé aux écoles et collèges dès la rentrée 2022, puis étendu aux lycées à partir de la rentrée 2023. Désormais, toutes les écoles et établissements sont tenus de mettre en œuvre ce programme.
Le programme pHARe vise à détecter et traiter 100 % des situations de harcèlement, mais aussi à les prévenir. Le développement des CPS est ainsi mis sur le devant de la scène, et elles deviennent l’objet d’un apprentissage spécifique. Les autorités ont mis en lumière l’importance de développer l’empathie chez les élèves comme moyen de prévenir le harcèlement. Ce lien a été fréquemment souligné dans les médias, renforçant l’idée que la promotion des compétences psycho-sociales peut jouer un rôle clé dans la prévention des conflits.
Pour le suivi des situations de harcèlement, la méthode de Préoccupation Partagée a été adoptée. Dans chaque académie, les enseignants ressources ont été formés à cette approche « non blâmante » qui vise à impliquer les élèves dans la résolution des conflits, en les encourageant à collaborer plutôt qu’à s’opposer.
La circulaire du 2 février 2024 a réaffirmé cet engagement en faisant de la lutte contre le harcèlement scolaire une priorité absolue pour l’Éducation nationale.
En combinant législation, programmes spécifiques et initiatives de sensibilisation, l’accent est clairement mis sur la nécessité de développer les compétences psycho-sociales comme un pilier essentiel pour éradiquer le harcèlement dans les écoles françaises.
L’attente d’une officialisation
C’est alors que Gabriel Attal, lorsqu’il était ministre de l’Education et de la Jeunesse, a annoncé une prochaine refonte du socle commun de connaissances, de compétences et de culture. Celui-ci constitue le cadre de référence des programmes scolaires ; institué en 2013 , il entend rassembler toutes les compétences à acquérir au cours de la scolarité obligatoire.
Lors de la conférence de rentrée du 27 août dernier, il a été confirmé que le nouveau socle commun intégrera les CPS, telles que la confiance en soi, l’organisation du travail personnel, la persévérance ou la capacité de travail en groupe ; au même rang que les apprentissages fondamentaux (maths et français) et que les connaissances de culture générale qui valident l’acquisition des repères mentionnés dans les programmes.
Cette montée en puissance de l’importance accordée aux CPS a créé une attente forte chez les enseignants et professionnels de l’éducation qui s’y intéressent et sont convaincus de leur utilité. C’est dans ce contexte que le nouveau programme d’EMC a été publié au Bulletin Officiel du 13 juin 2024.
voir article 2 : vers une nouvelle approche de l’EMC.